Lacrim
Interview Yard (Lacrim)
PARTIE 1 – « À mes seize ans, le juge me dit : “aujourd’hui, tu ne sors pas” »

Ton enfance se déroule exclusivement à Chevilly Larue ?

Nan, je suis né dans le vingtième. Mais j’ai grandi à Chevilly. À cinq ans, je vais à Chevilly. Quinze ans de vie, c’est long à raconter

Ça se passe normalement, bon après j’arrive à un âge où tu dois être dans le cursus scolaire, où tu dois être chez toi, où tout doit bien se passer, tu dors à huit heures ou neuf heures du soir. Moi, je suis plus chez moi et je vrille un peu. Y’avait rien d’extraordinaire, j’étais dans un quartier, on était une petite dizaine à traîner ensemble, y’en avait trois-quatre on était un peu plus dissipés que les autres, rien de méchant

Quel est ton rapport à l’école ?

En fait, je suis quelqu’un d’éclairé, je suis vif d’esprit. À l’école ça se passe bien, du moment que j’ai envie de travailler. Tu sais, y’a toujours ce truc : « a de très grandes capacités, mais… », tu vois ? Donc oui, quand je voulais m’intéresser oui. Mais peut-être que ça me soulait un peu... Bon après je sais pas là, ça revient loin : à cinq, six ans, sept ans, j’ai pas vraiment de souvenirs. Mais là où je commence à arriver au collège, j’ai un peu de souvenirs et je commence à en avoir marre, j’étais distrait par autre chose

Tu es très vite déscolarisé ?

J’ai été viré, enfin non, j’ai fini mon année scolaire. À la rentrée [suivante] je viens, et la principale me dit que je suis plus sur les listes. Vous m’avez pas viré, y’a pas eu de conseil de discipline, y’a rien eu. Comment ça j’suis plus sur les listes ? « Nan t’es plus sur les listes ». Ok, jusqu’à preuve du contraire, jusqu’à seize ans, on doit me trouver une autre école. Je suis dans le 94, donc l’académie de Créteil elle doit me trouver une école, c’est obligatoire non ? Ils m’ont jamais trouvé d’école. J’ai des potes à moi qui ont vrillé beaucoup moins qu’moi, qui étaient beaucoup moins fous que moi. Ils se sont fait virer de mon collège : conseil de discipline. On leur a trouvé un collège là-bas, ils se sont fait virer, on leur a trouvé un collège là-bas ils se sont fait virer. J’ai même pas eu cette chance d’avoir un deuxième collège moi

Après par la suite, j’ai eu des problèmes avec la justice. Et j’avais un juge pour enfants. De treize ans jusqu’à dix-sept il me suit ; c’est le même juge pour enfants, monsieur Lanquetin je m’en rappelle. C’était un bon mec. Il me place, je parle avec lui, il essaye de faire du social : « fais du box thaï, fais un peu de truc ». Il parle avec moi, c’est un juge pour enfants ; il me suivait aussi, dans le cadre de la pédagogie, c’était pas que pénal. Je lui dis que j’aime bien la restauration, il m’envoie à Chambéry à quatorze ans, faire un préapprentissage. Ça dure quatre mois, je fais des conneries, je me fais virer. Je repars trois mois après, moi tout seul à Chambéry, je vais habiter là-bas. Je trouve mon appart’ et tout, moi je vais habiter là-bas de moi-même parce que j’aimais bien la ville

T’as quatorze ans là ?

À quatorze ans ouais

Comment vis-tu le fait d’être en marge aussi tôt dans ta vie ?

Je m’en rends même pas compte. Je m’en rends compte le soir, quand mes potos ils rentrent chez eux, et que finalement après bon il reste que les majeurs dehors. Je vois qu’on n’a pas accès aux mêmes choses. Comme j’ai expliqué, le cursus scolaire c’est un peu le lycée, c’est un peu les nanas, le sport ensemble, les activités. Ou les sorties scolaires ; ils vont en Angleterre, tout ça. J’ai jamais connu tout ça. Donc là je me sens un peu différent. Je sens que y’a un truc, y’a un problème. On se voit, c’est mes amis d’enfance, ça bouge pas. Mais quand je suis plus avec eux ils savent très bien que je suis un loup ; ils rentrent chez eux, mais ils savent très bien que moi [pendant ce temps] je nique tout. Ils savent très bien que je suis un loup. Après le soir j’ai mes autres potos, je connais un peu tout le monde dans la ville
D’où te vient cette attirance pour la rue depuis ton plus jeune âge ?

Ça je peux pas l’expliquer. Je sais pas, jusqu’à aujourd’hui je sais pas. C’est plus fort que toi. Parce que déjà aujourd’hui, même si je te le dis pas à toi, j’aurais l’honnêteté de me le dire, d’être honnête avec moi-même, parce que j’ai un enfant. Donc, mes parents, je suis obligé de comprendre leur situation – quand ton fils il déconne et t’essaye de comprendre pourquoi. Et que le petit il est là, il te dit « je sais pas ». Aujourd’hui, ne serait-ce que si je savais… Je sais même pas

Comment était le modèle familial chez toi à l’époque ?

Je pense que ça c’est totalement faux, les modèles… Pour savoir, faut vivre dans une autre famille, tu comprends ? Quand un oiseau il éclore de l’œuf, et qu’on lui dit qu’une télé ça s’appelle une voiture, il va grandir et croire qu’une télé ça s’appelle une voiture. Tu peux pas savoir si t’es pas confronté à autre chose. Si on lui dit pas « bah non, ça c’est une télé », [il ne pourra jamais savoir.]

Moi mes parents, je les ai toujours respectés, ils m’ont toujours respectés, y’a de l’amour, c’est comme tout le monde. C’est pas qu’ils ont lâché, moi ils ont été présents. Mon père il m’a vraiment cassé la tête, jusqu’à plus savoir quoi faire. Mais aujourd’hui j’en ai conscience de ça : j’ai un enfant. Tu le crées, tu veux t’investir pour lui et t’as même pas un retour, il en a même pas conscience. Alors qu’en vérité moi je les respectais mes parents, je les aimais mais c’était l’incompréhension totale. Mais c’est pas des caprices de riche, loin de là

Par quels moyens es-tu entré dans le monde de l’illicite ?

J’ai volé. La drogue, c’est venu tard. J’étais pas attiré par ça. J’ai jamais été attiré par ça de toute façon. Après c’est une question de survie, c’est une question de vie après. Mais moi, je volais. J’escroquais un peu. Et après j’allais braquer. J’étais pas conscient : j’avais une enveloppe de treize mille francs, j’allais pas la cacher, je la gardais tous les jours sur moi. J’allais au restau, je ressortais, j’allais encore au restau alors que je venais de manger. J’allais à l’hôtel, j’allais à La Tête Dans Les Nuages, j’allais à Aqua Boulevard ; j’étais jeune, j’avais treize piges. Et mon père il entendait ça, il me cherchait partout. Il l’entendait dans le quartier, ça parlait beaucoup

Et ça c’était pour vol ? Pour quinze mille francs ?

Ouais j’avais volé quinze mille francs en espèces

Tu avais quel âge lors de ta première incarcération ?

Ma première peine c’est à seize ans. En fait, j’avais un juge pour enfant. À quinze ans, j’avais soixante-dix antécédents. Je me souviens un petit peu. Mais c’étaient pas des affaires criminelles et à l’époque, majeur pénalement c’était à seize ans. Donc le jour de mes seize ans par contre, j’étais dans le bureau [du juge] et il m’a dit « tu vas jamais sortir de ta vie ». Il a dit à mon père « je vous aime beaucoup, ça fait longtemps qu’on se connaît, mais aujourd’hui votre fils il sort pas »

Je rentre en prison, je fais un an. Je ressors, je fais un mois et dix jours dehors, je refais un an [en prison] encore. Je ressors, je retombe, là je fais deux ans et demi. Je suis dans l’incompréhension de la police, de l’État, à l’époque ; j’en ai rien à foutre. Mais [le juge] y’avait un truc particulier quand même : je le trouvais naïf. Mais en fait aujourd’hui, j’ai de la maturité : j’ai compris qu’en fait il croyait en moi. Soixante-dix antécédents, ça veut dire que j’étais plus de quarante fois dans son bureau pour une affaire. Et il me disait « lève ta main droite et dit “sur mon honneur que je recommencerai pas” ». Je lui disais « putain, c’est ça aujourd’hui qui m’arrive ? ». Je levais la main et je le faisais. Mais je l’aimais bien : le jour où il m’a mis en prison, je ne lui en voulait pas du tout

T’as pas eu l’impression de te sentir trahi ?
Pas du tout. J’ai toujours été conscient : tu joues, tu perds. Moi j’étais pas un garçon mauvais, j’étais attachant

C’est terrifiant de se retrouver en prison pour la première fois ?

Peut-être à vingt-cinq ans, peut-être à vingt ans, peut-être à seize ans aussi, je sais pas. Moi j’avais seize j’étais totalement inconscient, j’en avais rien à foutre. À partir du moment où t’es pas chez toi, dans le cocon familial – où t’es protégé, y’a de l’amour. Dès que tu sors dehors, c’est la même chose, partout : si demain tu te fais niquer c’est parce que tu croyais que tu maîtrisais. Dehors je reste qu’avec des loups. Et quand je suis en prison je suis qu’avec des loups, donc y’a pas de problème

Là tu parles chronologiquement, donc quand je te parle, j’ai seize ans dans ma tête. Même à seize ans, quand je suis sorti de prison au bout d’un an, je trouvais que j’étais très mature comme garçon, pour quelqu’un de seize ans. J’avais conscience aussi : j’ai joué, j’ai perdu, faut assumer. Moi j’ai jamais été un mec qui disait « la police nique ta mère ! ». Je sais me tenir

Est-ce que la prison transforme les gens ?

Oui moi je peux le dire, ça forge. C’est pas une fierté. Tout ce qui s’est passé, même le plus grand mal que j’ai pu faire dans ma vie, aujourd’hui je m’en sers pour avancer dans le positif, parce que je regarde ma situation actuelle. Si maintenant je fais le bilan d’hier et qu’aujourd’hui c’est la même chose, ça sert à rien, finalement j’ai rien compris. Donc, parlons pas que de la prison, parlons du fait que j’ai dormi dehors. J’ai dormi dehors, tout seul

T’avais quel âge ?

Onze ans, douze ans, treize ans…

Ça t’est arrivé plusieurs fois ?

C’est arrivé plusieurs fois. Y’a des fois t’as de l’argent, des fois t’en as pas. J’ai une fierté, je vais jamais taper de l’argent ou je vais jamais demandé de l’argent, jamais. Donc, ça m’arrive

Aujourd’hui, j’ai un toit. Comment t’expliquer ? Tu sais que si tu rentres des ronds, après c’est personnel, t’achètes de la pierre. Tu te dis « ça, plus jamais ». Donc finalement, ça c’est personnel, on n’est pas dans un truc d’apologie, c’est moi qu’ai souffert. Donc je me dis, « oui ça moi putain moi j’ai connu moi. Plus jamais. Même moi si je meurs, mon fils jamais. ». Donc je me sers finalement de ça

Tu t’es déjà dit « cette fois c’est la dernière » ?

Oui, la deuxième fois. J’avais dix-sept ans
Tu t’es dit « là je replonge pas » ?

Ouais, c’était la première fois donc c’était par rapport à mes parents. Puis après un mois après je retombe. Maintenant je te parle de la deuxième fois où je suis incarcéré. La deuxième fois que je tombe mes parents ils viennent pas me voir. Quand t’es mineur, y’a que ça, les potes ils donnent pas les parloirs, aux potes mineurs. La deuxième fois mes parents ils ne viennent pas me voir, j’ai pas de parloir. Ils sont énervés

Comment tu le vis de ne pas avoir de visite la deuxième fois ?

Je m’en rappelle même plus. Mais comme j’y ai déjà été une fois, j’ai fait un an, je reviens dans la même prison un mois après, j’arrive, j’appelle mes potos, ils me renvoient tout. Puis y’a le confort, y’a tout, on se débrouille. Moi c’est juste les parents, l’ignorance. C’est mes parents. J’ai privé mes parents de quelque chose quand même dans ma vie, c’est d’avoir le contact avec eux. Tu fais des enfants, c’est pour les élever. Je ne leur ai pas laissé cette occasion

Tu t’en veux ?

À mort, à mort

T’as l’impression de leur avoir enlevé une partie de leur rôle ?

Exactement. Déjà moi je me suis enlevé une partie, mais bon je suis responsable. Mais eux ils ont rien demandé

Comment t’expliques les aller-retours en prison ?

Parce que je suis dehors, ça y est, j’appartiens à la rue

Ça veut dire quoi « appartenir à la rue » ?

Ça veut dire que je vis dehors. Si je rentre pas chez moi, y’a un moment j’suis en total décalage avec la moitié de la population. Je suis dehors, c’est que j’appartiens à la rue. J’ai fait un morceau dans mon album qui s’appelle « La Rue » et quand j’explique ça c’est que c’est tout ce que tu sais faire au final. Putain, je sais que là elle m’aide pas au final, elle me donne pas à manger. J’fais pour toi tu me le rends même pas. J’en suis conscient mais je reste avec toi. C’est que, je te dis un truc : j’ai un voile. Je t’appartiens. C’est çaPARTIE 2 – « Pour arriver où j’en suis, j’ai porté mes couilles »

Comment es-tu rentré dans le monde du rap ?

Aujourd’hui j’ai travaillé pour ça. Le rap, j’ai pas voulu en faire moi. C’est des amis qui sont en studio, j’essaye une fois. Et après, par la suite, j’ai un ami à moi, Mister You, qui rappe. [À l’époque,] il commence à être dans un truc, y’a un engouement, il sait où il veut aller

Votre rencontre s’est faite en prison ?

En fait, c’était vite fait. Il était là deux mois. On s’est vus que un mois en fait. Je crois qu’il avait pris dix jours ou quinze jours de mitard. Moi ça faisait quatorze ou quinze mois que j’étais là, j’avais été un peu au mitard. Lui, il tirait son chariot – je savais qu’il s’appelait Younes, on se disait bonjour – et je lui dis « tu vas où ? ». Il me dit « je vais au mitard ». Je lui dis « t’as jamais été ? », il me dit « nan ». Je lui dis « bon écoute, comme ça, comme ça, comme ça, comme ça, mange ». Je lui ai expliqué « tu vas maigrir quoi qu’il arrive ». Mais quand il va au mitard, il est libérable du mitard. Mais quand t’es au mitard tu vois aucun autre être humain. Il me dit quand on se revoit plus tard : « t’es la dernière personne physique que j’ai vu dans la prison. Tu m’as marqué. Tout ce que tu me disais quand j’étais au mitard ça se passait. Je pensais à toi »

Explique-nous l’idée marketing de Mister You pour le projet “Prise D’otage”

J’ai été récupérer une plaquette. On l’a coupée, on a mis trois joints dans chaque CD. Mais le mec du magasin il savait pas. On lui ramène les cinq cent premiers CD, et il nous rappelle. Et You’ il voulait pas décrocher. Il nous dit : « faut en ramener encore les gars ». Il savait pas. Donc je lui ramène cent CD. Là il rappelle et quand il rappelle il insiste trop, et You’ il veut pas répondre. Je lui dit « allô, tu peux passer me voir ? ». Il est venu, il m’a dit « je comprenais pas ». Y’a des gens ils vont prendre dix euros on leur donne ça, dans la rue. Là ils ont ça et le CD, il comprenait pas. « C’est pas bien les gars, la police… ». Nous on n’avait pas pensé à tout ça. Il nous dit « la prochaine fois, je vais vérifier tous les CD ». Mais c’était une belle idée qu’il avait eu. C’est des beaux coups marketings, c’est comme ça qu’il faut marquer les choses

On entend souvent « Y’a pas de voyous dans le rap »…

Je suis le premier à le dire, toute ma vie. Mais regarde, moi. Après, je vais pas le dire parce que c’est pas glorifiant, et je suis le premier à avoir souffert, vraiment. Mais je connais pas la vie des autres. Mais combien m’ont dit « tu vois ce mec-là ? C’est un haut-parleur poto, il raconte ta vie. Prends le haut-parleur et fais-le. ». Quand tu vas parler, déjà on sait tout de suite. Ce serait faire le fou d’te dire « ouais j’suis un gangster », je suis un mec normal. Mais voilà, moi pour arriver là où je suis aujourd’hui, j’ai porté mes couilles, c’est tout ce que j’ai à dire. Et que celui qui dise que c’est pas vrai vienne me le dire en face

Et je revois des gens, on s’est vus y’a deux jours, beaucoup plus fous que moi, que je côtoyais à l’époque. Et on boit un verre, on boit deux verres, on boit quatre verres et y’en a un il me dit « wAllah il rappe lui ? ». Le mec il savait même pas, pour te dire il écoute même pas de musique. Il dit « wAllah il rappe lui ? Mais wAllah c’est un vrai cas sociaux vous savez pas vous ». On était ensemble, seize ans on a fait la prison ensemble, on était deux bébés braqueurs, il était fou. Pour te dire, je sais de quoi je parle

Dans “Corleone”, les prods sont exclusivement faites par Kore ?

Non, y’a trois ou quatre compositeurs sur l’album. Mais c’est Kore et la famille. J’avais tout à disposition. Moi ce que je veux c’est manger. Tu me ramènes à manger, j’vais pas dire « nan nan, moi je suis difficile : j’ai mes habitudes, je mange un peu dans cette boulangerie, un peu dans celle-là. ». Moi j’veux des balles qui rentrent dans le chargeur pour tirer. J’ai les balles, je tire. On me ramène quatorze, quinze balles, je prends, je tire

Je suis ouvert à tout, j’ai une prod’ de Dayway sur mon album, qui n’a rien à voir avec [mon univers]. J’étais servi, et Kore aussi est très fort. J’avais besoin de ça. Ce qu’il utilise quand il place des prods c’est Wale, c’est là-bas, Rick Ross, bien sûr que je veux en bénéficier

As-tu eu le droit au fameux « tu as changé » pour cet album ?

Mais si tu me le demandes, c’est parce que t’es un média ou que t’as un avis personnel ?

Non, moi j’aurais un avis personnel je te le dirais…

J’y ai eu le droit, oui

Qu’est-ce que tu penses de ça ?

C’est complètement con. Mais vraiment complètement con. C’est comme si tu regardes la Tour Eiffel et tu t’dis « putain, Notre-Dame c’est beau ». Tu sais même pas de quoi tu parles. Quand je fais un morceau comme “Mon Frère”, si tu mets pas d’émotion dans le morceau, ne fais pas le morceau. Dans le troisième couplet, si j’ai pas un moment où y’a un pont, adouci, qui monte, pour faire ramener bien [l’émotion]

Commercial ? J’ai “Les Lovés” qu’est rentré sur Skyrock, “Le Glock” est rentré par la force des choses, l’intro est rentrée par la force des choses, et aujourd’hui Laurent Bouneau veut jouer “Barbade”. C’est-à-dire que “Corleone”, c’est pas un titre auquel Laurent Bouneau [croyait]. Je le respecte beaucoup, parce qu’il me donne du respect. Parce qu’à la base, c’est pas un morceau pour les radios ça. Mais un morceau comme “Corleone”, c’est du rap à 100%. Ça a commencé dès ce morceau

Parce que c’est quoi un morceau commercial ? “Tout Le Monde Veut Des Lovés”, c’est commercial ? J’ai fait un morceau avec Cheb Najim, qu’est vraiment pas… “Tout Le Monde Veut Des Lovés” et ce morceau-là, c’est vraiment incomparable. Mais c’est commercial à mort. Personne me le dit [à l’époque]. J’ai fait un morceau avec Léa Castel, j’en ai fait plein des morceaux comme ça. Même à l’époque avec Mister You sur “Liberté Provisoire” on prend une instru house et on rappe dessus. Et c’est marrant, c’est du commercial, si vous appelez ça du commercial. Mon message c’est le même, sauf qu’aujourd’hui j’ai des prods lourdes. C’est comme si tu manges chez Franprix, un jour je te dis « tiens aujourd’hui je te fais un kif : mange du truc », tu me dis « ah putain, je kiffe », mais sur le Coran depuis le début tu sais pas que tu manges du Franprix. Tu fais le mec qui dit « moi je mange pas ça » mais tu manges du Franprix. Tu vois ce que je veux t’expliquer ? Je reste le même

Donc tu assumes jusqu’au bout ?

Pour devoir assumer, c’est qu’il y a un problème. J’ai pas à assumer quelque chose qui n’existe pas. Pour être honnête, je me suis cassé le cul pour faire cet album. Et si vraiment j’avais voulu, je l’aurais fait en dix jours. J’aurais donné un EP comme “Né Pour Mourir” – je l’ai fait en dix jours “Né Pour Mourir”. Je l’aurais fait en dix jours, je l’aurais donné, ils m’auraient dit « ouais, chant-mé ». Je fais un album, pour moi c’est qualitatif

Deuxième chose : j’ai toujours proposé, je suis un artiste, n’oublions pas. Mon public il grandit autour de moi, je ne suis la pute à personne. Quand j’ai fait mon premier morceau, j’ai attiré quelqu’un. Ça a grossi autour de moi, parce que je propose. Si aujourd’hui je suis énervé je vais faire un morceau qui est énervé ils vont dire « putain, il était énervé ». C’est moi qui vous ramène dans mon monde, non ? Je sors un projet, c’est un monde différent, je te ramène dans mon monde. C’est pas toi qui va commander sur Internet. Ça veut dire que par exemple, ils disent « pour le projet de Lacrim, je voudrais ça, je voudrais ça, je voudrais ça » et moi je te fais la musique ; je suis plus un artiste

Le morceau “Oz” : très important pour moi. C’est le morceau préféré de pas mal de gens finalement – malgré que les gens critiquent le Vocoder. Je peux pas faire autrement mon frère, je peux pas faire autrement. Et dans le couplet, quand je parle de ma mère, quand je parle de ça… Je peux pas, c’est pas possible, faut mettre de l’émotion dans les choses. C’est un vrai morceau de musique. Et il est caillera de fou

À ce titre, quels sont les retours sur ton utilisation du Vocoder ?

Déjà, je suis plus dans ce truc là normalement. Je suis un artiste, je viens, je délivre, je respecte mon public

Après, n’oublie pas que je sors de prison, y’a un gros buzz autour de moi. Y’a pas forcément que mon public derrière moi, y’a aussi les haineux, les gens qui prennent au premier degré. Moi je peux t’assurer que dans le top trois de mes morceaux avant mon album, “D’où Je Viens” il fait partie de ce top trois. Dans “D’où Je Viens”, y’a un pont de huit mesures à la fin en Vocoder. Personne ne m’en a jamais parlé. Je m’essaye. Quand je dit « je m’essaye », ça veut dire « attention les gars, je m’essaye, c’est pour bientôt ». Quand je vais en concert, depuis que j’ai sorti cette musique, je pose le micro, je n’ai jamais cette partie-là en concert, jamais. C’est les gens qui la chantent. Je sais que quand ce morceau va arriver, faut que derrière [je sois prêt], parce que là à la fin c’est chaud. Donc pourquoi aujourd’hui, t’as mangé les pâtes hier et tu dis « j’ai jamais mangé de pâtes ». Pourquoi ? Je te crois pas poto. Mais t’es fou ou quoi ? Tu crois que je suis amnésique moi ?

Par exemple, “Les Lovés”, c’est un morceau qui est sur Sky’ ; y’a pas de Vocoder dedans. J’ai jamais fait du Vocoder pour gagner de l’argent. J’ai dit dans un freestyle « on m’parle de Vocoder on dirait qu’j’suis Cheba Djenet ». J’suis pas un chanteur de raï, moi. « Ils sont au nord, pour les battre, j’vais au nord / J’suis pas un repenti braquer dans une Audi / Rapper nos putains d’life sur quelques mélodies ». Ne m’en veux pas frère, je fais de la musique, tu veux quoi ?

Maintenant, le meilleur compromis pour moi pour fermer la gueule aux gens, c’est le morceau avec Durk. Il fait deux millions de vues en quatre jours, mais y’a beaucoup de haineux dans les deux millions. Sinon il aurait fait un million cinq cent mille. Donc cinq cent mille haineux ; je vous les donne. Mais moi, je suis pas fou dans ce que je fais. Si t’écoutes Lil Durk, si tu connais Lil Durk, si t’adhères à Lil Durk ; Lil Durk c’est du Vocoder. Et c’est un mec de la rue. Regarde bien, je suis un mec qui travaille. Je me dis, « Lil Durk, je kiffe ce qu’il fait : je fais pareil ». En France c’est balais dans le cul, moi j’ai pas de balais dans le cul. Je voyage, j’écoute de la musique. Les trucs de BPM à 88, 90, Alchemist, faut arrêter les gars. Je parle avec des gens des fois ils me disent « mais c’est quoi ce son de… ? ». Personnellement, c’est pas les mêmes prods que L’entourage moi, c’est pas les mêmes prods que 1995. Faut arrêter on est dans un truc, on évolue, c’est de la musique. Faut être frais

De toute façon, depuis “Faites Entrer Lacrim”, ceux qui suivent bien et qui connaissent ma musique, ils savent. Ils me le disent : « nan mais t’inquiète pas, ton évolution je l’ai sentie direct sur “Toujours Le Même”. “Faîtes Entrer Lacrim” c’est [le début]. “Toujours Le Même”, je commençais à arriver. Y’a le morceau avec Niro, où je rappe comme c’est Lacrim et y’a le morceau “Dos En Or”, faut pas oublier : il y a du Vocoder sur le refrain. Les gens ils en ont jamais parlé de ça. Qu’est-ce que vous me voulez aujourd’hui ? Quel morceau, quel hit, pseudo-hit, j’ai fait ? Aucun. Quel morceau a marché pour le grand public ? “Tout Le Monde Veut Des Lovés”. Y’a du Vocoder dedans ? Non. Le reste moi c’est des morceaux rap que j’ai voulu faire comme ça. C’est pas du commercial ma gueule, tu es fou toi ?

Mais t’es sympa, faut que je me justifie comme ça. Tu me poses les bonnes questions