« Si tu veux, faisons un rêve:
Montons sur deux palefrois;
Tu m’emmènes, je t’enlève
L’oiseau chante dans les bois
» Je suis ton maître et ta proie;
Partons, c’est la fin du jour;
Mon cheval sera la joie
Ton cheval sera l’amour
» Nous ferons toucher leurs têtes;
Les voyages sont aisés;
Nous donnerons à ces bêtes
Une avoine de baisers
» Viens! nos doux chevaux mensonges
Frappent du pied tous les deux
Le mien au fond de mes songes
Et le tien au fond des cieux
» Un bagage est nécessaire;
Nous emporterons nos vœux
Nos bonheurs, notre misère
Et la fleur de tes cheveux
» Viens, le soir brunit les chênes;
Le moineau rit ; ce moqueur
Entend le doux bruit des chaînes
Que tu m’as mises au cœur
» Ce ne sera point ma faute
Si les forêts et les monts
En nous voyant côte à côte
Ne murmurent pas: « Aimons! »
» Viens, sois tendre, je suis ivre
Ô les verts taillis mouillés!
Ton souffle te fera suivre
Des papillons réveillés
» L’envieux oiseau nocturne
Triste, ouvrira son œil rond;
Les nymphes, penchant leur urne
Dans les grottes souriront;
» Et diront: « Sommes-nous folles!
» C’est Léandre avec Héro;
» En écoutant leurs paroles
» Nous laissons tomber notre eau. »
» Allons-nous-en par l’Autriche!
Nous aurons l’aube à nos fronts;
Je serai grand, et toi riche
Puisque nous nous aimerons
» Allons-nous-en par la terre
Sur nos deux chevaux charmants
Dans l’azur, dans le mystère
Dans les éblouissements!
» Nous entrerons à l’auberge
Et nous paîrons l’hôtelier
De ton sourire de vierge
De mon bonjour d’écolier
» Tu seras dame, et moi comte;
Viens, mon cœur s’épanouit;
Viens, nous conterons ce conte
Aux étoiles de la nuit. »