Viens! - une flûte invisible
Soupire dans les vergers. -
La chanson la plus paisible
Est la chanson des bergers
Le vent ride, sous l'yeuse
Le sombre miroir des eaux. -
La chanson la plus joyeuse
Est la chanson des oiseaux
Que nul soin ne te tourmente
Aimons-nous! aimons toujours! -
La chanson la plus charmante
Est la chanson des amours
Tout revit, ma bien-aimée!
Le ciel gris perd sa pâleur;
Quand la terre est embaumée
Le cœur de l’homme est meilleur
En haut, d'ou l'amour ruisselle
En bas, où meurt la douleur
La même immense étincelle
Allume l’astre et la fleur
L'hiver fuit, saison d'alarmes
Noir avril mystérieux
Où l'âpre sève des larmes
Coule, et du cœur monte aux yeux
O douce désuétude
De souffrir et de pleurer!
Veux-tu, dans la solitude
Nous mettre à nous adorer?
La branche au soleil se dore
Et penche, pour l'abriter
Ses boutons qui vont éclore
Sur l'oiseau qui va chanter
L'aurore où nous nous aimâmes
Semble renaître à nos yeux;
Et mai sourit dans nos âmes
Comme il sourit dans les cieux
On entend rire, on voit luire
Tous les êtres tour à tour
La nuit, les astres bruire
Et les abeilles, le jour
Et partout nos regards lisent
Et, dans l'herbe et dans les nids
De petites voix nous disent:
-Les aimants sont les bénis!-
L’air enivre; tu reposes
À mon cou tes bras vainqueurs. --
Sur les rosiers que de roses!
Que de soupirs dans nos cœurs!
Comme l’aube, tu me charmes;
Ta bouche et tes yeux chéris
Ont, quand tu pleures, ses larmes
Et ses perles quand tu ris
La nature, sœur jumelle
D'Ève et d’Adam et du jour
Nous aime, nous berce et mêle
Son mystère à notre amour
Il suffit que tu paraisses
Pour que le ciel, t'adorant
Te contemple; et, nos caresses
Toute l'ombre nous les rend!
Clartés et parfums nous-mêmes
Nous baignons nos cœurs heureux
Dans les effluves suprêmes
Des éléments amoureux
Et, sans qu'un souci t’oppresse
Sans que ce soit mon tourment
J'ai l'étoile pour maîtresse;
Le soleil est ton amant;
Et nous donnons notre fièvre
Aux fleurs où nous appuyons
Nos bouches, et notre lèvre
Sent le baiser des rayons