Victor Hugo
L’aurore
L'aurore s'allume;
L'ombre épaisse fuit;
Le rêve et la brume
Vont où va la nuit;
Paupières et roses
S'ouvrent demi-closes;
Du réveil des choses
On entend le bruit

Tout chante et murmure
Tout parle à la fois
Fumée et verdure
Les nids et les toits;
Le vent parle aux chênes
L'eau parle aux fontaines;
Toutes les haleines
Deviennent des voix!

Ô terre! ô merveilles
Dont l'éclat joyeux
Emplit nos oreilles
Eblouit nos yeux!
Bords où meurt la vague
Bois qu'un souffle élague
De l'horizon vague
Plis mystérieux!
Saint livre où la voile
Qui flotte en tous lieux
Saint livre où l'étoile
Qui rayonne aux yeux
Ne trace, ô mystère!
Qu'un nom solitaire
Qu'un nom sur la terre
Qu'un nom dans les cieux!