Victor Hugo
La captive orientale
Si je n’étais captive
J’aimerais ce pays
Et cette mer plaintive
Et ces champs de maïs
Et ces astres sans nombre
Si, le long du mur sombre
N’étincelait dans l’ombre
Le sabre des spahis
Je ne suis pas Tartare
Pour qu’un eunuque noir
M’accorde ma guitare
Me tienne mon miroir
Bien loin de ces Sodomes
Au pays dont nous sommes
Avec les jeunes hommes
On peut parler lе soir
Pourtant j’aime une rive
Où jamais dеs hivers
Le souffle froid n’arrive
Par les vitraux ouverts
L’été, la pluie est chaude;
L’insecte vert qui rôde
Luit, vivante émeraude
Sous les brins d’herbe verts
J’aime en un lit de mousses
Dire un air espagnol
Quand mes compagnes douces
Du pied rasant le sol
Légion vagabonde
Où le sourire abonde
Font tournoyer leur ronde
Sous un rond parasol
Mais surtout quand la brise
Me touche en voltigeant
La nuit, j’aime être assise
Être assise en songeant
L’œil sur la mer profonde
Tandis que, pâle et blonde
La lune ouvre dans l’onde
Son éventail d’argent